
Il est né aux USA, Born in the USA, comme la chanson de Bruce Springsteen dédiée aux vétérans du Vietnam si mal accueillis à leur retour et laissés pour compte dans la société de consommation, souvent mutilés et traumatisés, en particulier les Amérindiens qui ont non seulement servi leur pays dans ses guerres coloniales, mais, ne l'oublions pas, pendant les deux guerres mondiales en Europe participant en particulier à la Libération de la France en 1944
(Amérindien, ou Native american, de la nation Sioux, né à Omaha dans le Nebraska, le 15 février 1946, vivant près d'une réserve dans le Dakota, il est très tôt confronté à des conditions de vie difficiles : misère, violence, alcool, drogue... A 17 ans, il a du effectuer son service militaire dans les Marines, en essayant « de ne pas finir chair à canon ». A son retour, il s'engage dans la défense des droits bafoués de son peuple, qui a failli disparaître (3), persécuté par tous les moyens (guerres, introduction d'alcool frelaté et de maladies dans les tribus, acculturation, assimilation et stérilisations forcées etc.) pendant la colonisation, puis au XX° siècle, un des premiers génocides de l'Histoire : au sein de l'AIM, American Indian Movement, il a mené des actions non violentes mais très médiatiques, à la manière de Gandhi et Martin Luther King, ce qui attire sur lui l'attention du FBI qui possédera sur lui un des dossiers les plus documentés (17000 pages !) comme ceux de Charlie Chaplin ou John Lennon (!), et ne cessera de le harceler avec ses camarades (4). Il s'est imposé très vite comme l'un des plus ardents défenseurs de l'extraordinaire héritage culturel et politique des Indiens d'Amérique.
Le 20 novembre 1969, avec deux cent Amérindiens, il a participé à l'occupation pacifique du pénitencier de l'île d'Alcatraz, en Baie de San Francisco, dont ils revendiquaient la possession au nom d'un traité de 1868, et devint leur porte-parole. On se souvient de cette extraordinaire proclamation adressée au grand chef blanc et à son peuple, où il résumait, avec beaucoup d'humour, noir, l'oppression subie par son peuple :
Nous, les Américains d'origine, revendiquons la terre connue sous le nom d'Alcatraz, au nom de tous les Indiens d'Amérique, en vertu des droits de la découverte. Nous désirons être justes et équitables envers les Caucasiens habitant l'île et proposons par ces présentes le traité suivant :
Nous achèterons l'île d'Alcatraz pour vingt-quatre dollars payables en verroterie et en toile rouge, précédent établi lors de l'achat par l'homme blanc d'une île semblable, il y a environ trois cents ans. Nous savons que vingt-quatre dollars de marchandises pour seize acres de terrain représentent plus que ce qui a été donné pour l'île de Manhattan, mais nous savons aussi que le prix de la terre a augmenté avec les années. Notre offre d'un dollar 24 par acre est supérieure à celle de 47 cents que les hommes blancs donnent par acre de terre aux Indiens de Californie. Une partie de l'île sera laissée à la disposition de ses habitants et leur sera remise par le bureau des Affaires indiennes et le bureau des Affaires caucasiennes, à perpétuité – aussi longtemps que le soleil se lèvera et que les fleuves couleront vers la mer. Ultérieurement, nous conduirons ses habitants vers de justes m½urs. Nous leur offrirons notre religion, notre éducation, nos m½urs afin de leur permettre d'atteindre notre degré de civilisation et de les élever ainsi que tous leurs frères blancs, hors de leur état sauvage et malheureux. Nous proposons le traité suivant de bonne foi, soucieux d'équité et d'honnêteté dans tous nos rapports avec les hommes blancs...
Nous trouvons l'île dite d'Alcatraz plus que convenable pour servir de réserve indienne, suivant en cela les critères de l'homme blanc. Nous voulons dire par là que cet endroit ressemble à de nombreuses réserves indiennes par les caractères suivants :
Absence de moyens de transport appropriés et isolement; absence d'eau courante naturelle; aménagements sanitaires insuffisants; aucun droit sur le contenu du sous-sol; absence d'industrie et chômage important; absence de centres médicaux; sol rocheux non cultivable; terres ne convenant pas au gibier; absence d'équipements scolaires; la population a toujours été en surnombre; les habitants ont toujours été retenus comme des prisonniers et gardés sous la dépendance d'autrui. De plus, il serait juste et symbolique que les bateaux en provenance du monde entier, qui franchissent la Golden Gate, aperçoivent en premier une terre indienne et qu'ainsi leur soit rappelée la véritable histoire de cette nation. Cette île minuscule symbolisera les espaces immenses jadis possédés par les fiers et nobles Indiens.
Les nobles Indiens refusèrent de partir sur les ordres du gouverneur et furent expulsés manu militari, par la force (armée, garde nationale, police, milices etc.) en juin 1971. John fut incarcéré un an à la prison fédérale de Springfield. A sa sortie, il a continué de plus belle ses actions non violentes. Mais en 1979, il a mis le feu à un drapeau américain, devant les bureaux du Federal Bureau of Investigation (F.B.I), à Washington, lors d'une manifestation. Douze heures plus tard, dans la réserve Shoshone Paiute, dans le Nevada, un incendie, manifestement criminel, a réduit en cendres sa maison: sa femme, sa belle-mère (très impliquées dans la défense des Anciens, contre la mainmise des multinationales sur les nappes phréatiques et les ressources naturelles, comme l'uranium, présentes sur les réserves), et ses trois enfants (5 ans, 3 ans et 1 an) furent brûlés vifs prisonniers des flammes.

Le Bureau des Affaires Indiennes a conclu à un accident : il n'y aura pas d'enquête...
Effondré, le militant non violent s'est réfugié dans l'écriture : « ces mots étaient mes larmes, mes bombes, ma vie. »
Il a par ailleurs accepté de jouer son propre rôle dans Thunder Heart, C½ur de Tonnerre – avec Val Kilmer (qui joua Jim Morrison dans le film d'Oliver Stone retraçant la vie du leader des Doors) – et dans un documentaire, Incident à Oglala, produits par Robert Redford, tous les deux retraçant les conflits qui ont opposé le gouvernement américain à l'American Indian Movement, dans les années 70.
Puis, John Trudell a enregistré « Tribal Voice », un disque où ses textes sont seulement soulignés par des percussions et quelques chants indiens ; en 1985, il a rencontré Jesse Ed Davis, un indien Kiowa d'Oklahoma, véritable star du rock, ayant joué avec Eric Clapton, Bob Dylan, John Lennon, et Jackson Browne, qui a composé pour lui et permis de faire entendre ses textes de révolté dans le monde entier, avec son groupe nommé Bad Dog, mauvais chien, (surnom qui avait été donné à John par les agents du FBI).
La Révolte avec la défense des droits de son peuple occupait une place importante dans les textes de ce spoken-word-artist, de ce récitant comme on dirait en français ; à part égale avec l'Amour, et les Femmes qui sont pour lui les piliers du monde: il leur a consacré des poèmes superbes, comme « Regarde les Femmes », dont la chute rappelle un vers célèbre d'Aragon :
Sous toutes les latitudes
Elles sont s½urs de la Terre
Dans toutes les situations
Elles sont le rameau de la vie
Regarde les yeux des Femmes
Fleurs ondoyantes
Sur les collines éparpillées
Soleil dansant
Qui appelle les abeilles
Regarde la beauté des Femmes
Gouttes de pluie embrumée
Sur les douces roses sauvages
Regarde l'esprit des Femmes
Jour après jour servant le courage
Avec le sourire du printemps
Ecoute leur respiration
C'est un rêve et une prière
Dans cette vie
Elles sont notre avenir.
Et il enchainait avec un de ses textes les plus virulents, soutenu par ses musiciens de blues-rock et les chants traditionnels de son ami Quiltman:
Mais il y a une ombre sur le Pays des S½urs
Avec un colt Smith et Wesson
Pointé sur leurs têtes
Pointé sur leurs têtes !
article de Culture 31